Le Colonel Cage fait bouffer la literie quon lui a donnée, un sac en tissu rempli de paille. Il a déposé ses vêtements en travers du pied de lit, pliés au carré comme font les militaires, et il est en sous-vêtements, un sinistre tee-shirt et un caleçon court. Il ajuste le dos du col de son tee-shirt, puis sallonge à nouveau dans le lit de paille, avec un soupir. Son visage prend un air perplexe et il saffaire encore avec le dos de son col, son visage prenant cette fois un air affolé. Il sassied dun coup, amenant son tee-shirt par dessus la tête et examinant son col quil a maintenant devant les yeux. « Oh, mon Dieu. »
Le Colonel Cage et Ian sont dans la Salle du Conseil. Le Colonel a sorti Ian du lit. Il tient son tee-shirt en face de lui, sous
le nez de Ian, en le secouant avec rage. « Quils soient maudits, ils mont mis un mouchard, ils savent où nous sommes, et
ils vont venir nous cueillir! » Ian paraît perplexe et lève les yeux vers ceux du Colonel, le fixant fermement comme pour lui
demander une explication. Le Colonel soupire et voyant quil va lui falloir raconter tout, il fait de gros efforts pour se
calmer. « Cest un micro. Je ne savais pas que je le portais. Sil est relié en direct et je nai aucune raison de penser le
contraire, ils peuvent me suivre à la trace, suivre ce truc, et ça va les amener tout droit où nous sommes. »
Une pensée le traverse et il jette soudain le tee-shirt par terre et en écrase le col avec le talon jusquà ce quil entende un
craquement. Ian dit, « Mais vous ne savez pas depuis combien de temps vous lavez ni même sil fonctionne. » Le visage
du Colonel Cage pâlit en réalisant quil ne peut pas dire à Ian ni aux autres tout ce quil sait, ce qui serait impossible à faire passer en si peu de
temps. Il déclare finalement, après une lutte intérieure avec lui-même sur la question, « Attendez vous au pire. »
Cest le matin au Camp du Fleuve, où la trompe de brume mugit doucement. Le Colonel Cage, mal à laise de ce qui sest passé la nuit davant, fait
des bonds et se contracte nerveusement dans son sommeil , ses yeux souvrant soudain dans un sursaut. La tente des hommes contient une
douzaine dhommes, avec la même literie primitive pour tous, et cest un dortoir collectif. Le Colonel se glisse dans son pantalon et se dirige vers la
porte, avant même davoir fermé sa braguette. Ian est debout sous un arbre et on le voit à peine car il est dans lombre. Le Colonel Cage savance
vers lui, son tee-shirt blanc voyant comme un drapeau qui sagite alors quil se déplace entre les arbres. « Vous avez été vu. » Le Colonel endormi
saplatit rapidement sous un arbre. « Trop tard. Ils vous ont localisé. »
Le fleuve calme lape gentiment la plage, sur lautre berge où se tient un groupe dhomme qui regarde de lautre côté du fleuve. Le Colonel, la
mâchoire serrée et légèrement tremblante sous la tension, dit à voix basse, « Je parie que ce sont eux. Ils ont tué et mangé des familles entières, et je
pense plus pour samuser que par faim. Jaimerais les voir tous rôtir dans un feu, vivants! » Ian jette un il au Colonel, il nest pas choqué car il en
soupçonnait tout autant. « Je vais poster une sentinelle pour être sûr quils ne traverse pas. » Le Colonel secoue la tête. « Ca ne servira à rien, ils
trouveront un chemin. On doit les descendre avant quils ne nous descendent. »
Au milieu de la matinée dans le camp du fleuve, femmes et enfants ont été regroupés au centre du camp. Ian est calme mais ferme, expliquant quil y a un danger que les hommes sont partis régler. Netty lève les yeux au ciel à cette déclaration machiste, mais ne proteste pas vraiment, connaissant le vrai danger. Un homme plus âgé, mettant clairement en évidence sa jambe blessée, une blessure récente présentant une tâche de sang rouge écarlate sur la chaussette arrangée à la va vite autour, marche lentement vers Ian. Il fait un signe de tête à Ian quand il croise son regard, comme un message silencieux. Le danger est passé, et les hommes reviennent. Leur mission a réussi, mais les vainqueurs sont bien peu en paix.
Frank coupe vigoureusement en morceau des gros bouts verts dun légume méconnaissable, les deux mains sur le hachoir et les épaules rentrées. Il discute de loin sans arrêt avec Madge, la cuisinière trapue, qui fouille dans ses jarres à légume. « La carte de la Mort est sortie, et nous savions tous que ça allait arriver. » Madge a lair sombre, cest son expression constante, et ne dit rien, mais Frank nest pas démonté. Elle lui tend une autre poignée de racines à couper en morceaux. Dans un premier temps, on entend à peine le son des pales dun hélicoptère, qui tournent doucement au-dessus du fleuve. Un hélicoptère noir arrive silencieusement le long du fleuve, avançant vers le cap. Frank sarrête en plein geste pour écouter attentivement.
Ian touche chaque membre du camp lorsquils passent précipitamment à côté de lui, serrant dans les bras leurs affaires personnelles. Ils se précipitent tous en file indienne dans les bois et dans un ravin, hors de la portée de vue de quiconque sur le fleuve ou dans les airs. Personne nest hystérique ni ne conteste la décision de Ian de quitter le camp du fleuve.
Dans la tente des femmes, Danny intercède auprès de Cathy pour quelle les accompagne. Elle semble inconsciente de tout danger, les balaie tous de la main, et le traite dhystérique. « Tu ne comprends pas, des gens ont été assassinés, des femmes violées, on na pas voulu te le dire! » « Danny, tu ne vois pas comme on est bien ici? Mes ongles repoussent, et on peut prendre autant de bains que lon veut! » Danny a lair consterné, il est sans voix, et le regard désolé, il réalise pour la première fois la profondeur de son narcissisme. Un couple de grande taille entre, volant des affaires oubliées, et Danny les regarde avec entendement. Elle ne sera pas seule! « Bon, eh bien je ne vais pas rester pour mourir avec toi, fais comme tu veux. » Et il tourne le dos, fonçant vers la porte pour rattraper les autres.
Dans une clairière au milieu des bois, Ian compte les têtes au fur et à mesure que le groupe passe en silence devant lui en file indienne. Ian
admoneste, « Restez ensemble maintenant, restez groupés! » Les retardataires à la queue arrivent, de grands espaces les séparant. Ian se tourne
vers son assistante, une grande femme gracile aux cheveux gris arrangés en un chignon sévère, « Je nai pas vu le petit garçon et son grand-père, à
moins quils ne soient les derniers du lot. » La femme a un bloc notes dans les mains et vérifie, et une fois le groupe passé, dit, « Cette jeune femme
et le journaliste, ils manquent aussi. »
Netty arrive dans la prairie en marchant péniblement, essayant de garder en vue la queue du groupe devant elle. Elle aperçoit Ian et son assistante
qui se tiennent là et elle fait un large sourire, rassurée de ne les avoir pas perdus. Billy est un peu plus loin derrière sur la piste, sarrêtant pour
ramasser quelque chose sur le sol, se penchant, sa curiosité de petit garçon éveillée. Alors quil fait cela, il y a des bruissements dans les buissons au
bord du chemin. Billy se redresse dun coup, la bouche ouverte et les yeux écarquillés. En montrant les crocs, le premier dune meute de chiens
sauvages, un grand boxer si maigre quil en est squelettique, se précipite sur lui et le charge en sortant des buissons.
Netty nhésite pas. Elle se met à courir à toutes jambes, couvrant de la distance silencieusement avec ses jambes puissantes et ses hanches larges
quelle a musclées en montant à langlaise toutes ces années. Ian la voit courir sans faire de bruit à travers la clairière, faisant la course vers un Billy
pétrifié comme une statue alors que la meute arrive sur lui en bondissant. Le chef de meute rampe au sol, ondulant en zigzags, les babines
retroussées sur des crocs jaunes. Les chiens sont un mélange danciens animaux domestiques - des bergers, des boxers et des chiens de chasse -,
toutes les espèces. Les plus petits se tiennent en arrière et jappent dans les bois, excités à la perspective dun repas mais ne pouvant pas encore
sattaquer aux humains car ils leur rappellent leurs anciens propriétaires.
Netty atteint Billy et le soulève du sol dans ses bras, juste au moment où le chef de meute se jette sur lui. Il lui plante les crocs dans les fesses et elle
lui rejette la tête en hurlant, les autres chiens de la meute se dispersant dans les bois dans la panique. Rouge et Danny arrivent en courant, Rouge
donnant des coups avec sa veste au chef de meute qui bat en retraite, et Danny se précipitant sur Netty qui tombe à terre évanouie. Billy, en petit
homme quil est, sort de ses bras et tourne autour pour apporter son aide. Il parle avec excitation. « Il la mordue aux fesses, en plein dans les
fesses. Mince, elle est arrivée de nulle part! »
Un épais brouillard souffle dans les toutes premières heures de laube près du fleuve. Ian vient de réveiller sa troupe de voyageurs, ne leur laissant
que quelques heures de repos dans la nuit. Maintenant quils voient où mettre un pied devant lautre, il a lintention de les remettre sur pieds et de
continuer leur route. Le groupe a des petits yeux, comme sils venaient juste de se réveiller et avait besoin dune tasse de café ou plus exactement
dune cafetière entière. Personne ne se plaint, pourtant, et quand quelquun trébuche et laisse tomber quelque chose, celui qui le suit laide à le
ramasser et à le remettre dans ses affaires. Ce groupe sentraide, sans notion de concurrence, et il ny a jamais besoin de demander de laide.
On porte Netty dans une écharpe, entre Danny et la grosse cuisinière Madge, qui a beaucoup de muscles sous la graisse, semble-t-il. Frank les suit,
portant leurs bagages collectifs comme un bât. Il ne se plaint pas, mais il bavarde à propos de diverses situations dans la mythologie ou autres
cultures qui ressemblent à la scène, pour sexpliquer pourquoi sa nouvelle chérie est la bête de somme alors quil nest que le bât. Lego masculin a
survécu intact au basculement des pôles, semble-t-il. Netty est rose et bouffie, fiévreuse, et semble inconsciente ou endormie. Frank dit, « Et les
Cherokee permettent même que leurs femmes deviennent Grand Chef. »
Ian, en tête, arrête le groupe qui le suit en levant une main. Caché par le brouillard mais visible quand les nappes se dissipent momentanément, il y a
un immense dôme gris terne, à plusieurs étages. Le dôme ne va pas plus haut que la cime des arbres mais couvre une surface grande comme un
terrain de football. Situé sur une arête le long du fleuve, où il y a des arbres de chaque côté mais pas de terrain en surplomb, le dôme ne peut être
vu que par un avion qui le survolerait. Plusieurs assistants de Ian lentourent, arrivant derrière lui et regardant le dôme par dessus ses épaules. Ils
sont tous silencieux, contemplent, enregistrant ce quils voient et essayant de se faire une idée de ce que cela peut être.
Ian finalement savance, le groupe traînant les pieds derrière lui. Il y a un grand espace entre Ian et ceux qui le suivent, ses assistants, et un plus
grand encore avec le reste du groupe qui vient après. Ils se tiennent clairement en retrait, pas suffisamment loin pour que lon prenne cela pour un
manque de confiance en Ian, mais assez loin pour que la fuite soit possible. Comme Ian approche de ce qui ressemble à une entrée, un petit
demi-cercle sur le bord, le demi-cercle souvre et glisse sur le côté, révélant une ouverture. Plusieurs humains en sortent, Jonah le premier, en
tendant les mains. Ian hésite un court instant, puis il avance à son tour dans leur direction, en tendant la main. Le groupe qui suit Ian accélère
notablement lallure en observant cette chaleureuse marque de bienvenue.
Dès leur entrée dans le dôme, les nouveaux arrivants restent bouche bée devant le plafond élevé mais éclairé de façon diffuse et la végétation
luxuriante poussant au centre du dôme, où se trouve une fontaine et des pelouses où des enfants jouent. Le dôme a des logements en cercle autour
du bord, sur plusieurs niveaux, aussi bien vers le bas dans le sous-sol que vers le haut au-dessus du sol.
Tammy rompt le silence car une petite fille de son âge la remarquée. Tammy serre contre elle sa poupée de chiffon, qui est maintenant si sale et en
lambeaux quelle ressemble plutôt à un chiffon noir. La petite fille qui laccueille a une poupée de chiffon propre, pareille en taille et avec la même
robe, et la donne à Tammy en souriant. Tammy cligne, quelques larmes lui montant aux yeux devant cette marque de gentillesse et de
compréhension, et sourit faiblement. Elle tend à lautre fillette sa poupée en loques et elle font léchange, rient spontanément de la bêtise du cadeau
de Tammy, et partent ensemble en courant, la petite fille du dôme en tête. Billy est juste derrière Tammy et il a observé la scène. Il lève son visage
vers sa mère derrière laquelle il est debout, et ils partagent en silence le même sentiment quils sont bien tombés.
Ian se tient sur le côté, en grande conversation avec Jonah. Ils ont fait quelques pas sur le côté alors que le reste du groupe samassait à lentrée du dôme et réagissait. Madge, la grosse cuisinière, entre et pile, son froncement des sourcils permanent refusant de quitter son visage. Gros Tom et Danny font finalement entrer Netty sur lécharpe quils tiennent chacun dun bout, Rouge leur fermant le pas avec tous les bagages quils auraient dû porter à trois. Un homme et une femme se précipitent sur eux, qui pratiquent de toute évidence la médecine, et ils saffairent à tirer Netty sur le côté, vers un Poste de Premiers Secours au niveau de lentrée.
Au Poste de Premiers Secours, Netty est allongée sur une table où on examine la morsure infectée de ses fesses. Danny reste auprès delle, debout sur le côté et lair inquiet. Gros Tom et Rouge retournent voir leur famille, voyant que Danny sest porté volontaire pour la surveiller. Netty est toute rose et inconsciente, elle est bouffie et sa respiration est rapide. Elle est couchée sur le côté droit, sa fesse gauche à lair, un rouge agressif dû à linflammation entourant les points de morsures. Le couple qui dirige le poste des premiers secours se parlent à toute vitesse. « Piqûre de pénicilline, et il faut la mettre en chambre froide pour faire tomber la fièvre. »